Dès 1920, de nombreux camps de vacances de communautés religieuses et de compagnies ont occupé les rives des cours d’eau montréalais et aussi certains domaines des lacs de Saint-Hippolyte, les premiers sur la route du Nord.
Ces camps, de luxueuses villas sur de grands domaines, étaient souvent des dons de généreux donateurs montréalais fortunés qui y étaient déjà installés depuis 1890. D’autres camps étaient d’anciennes maisons de pension. Elles étaient devenues moins populaires durant les Années Folles 1 de l’après Grande Guerre car les travailleurs avaient acquis un nouveau pouvoir économique grâce aux industries de guerre.
Égalité homme — femme
La Première Guerre mondiale de 14-18 a été une hécatombe en termes de vie humaine masculine. Carpe diem,2 était le mot d’ordre chez les travailleurs qui, avec l’amélioration des conditions de travail, voulaient profiter de leurs moments de vacances. À cette époque, comme nous l’a rappelé avec humour, Yvon Deschamps, « les Unions quess’ça donnaient ? », les compagnies étaient à la fois pourvoyeurs d’économie, mais aussi de mesures sociales inexistantes dans la société. Ainsi, avant l’état providence social-démocrate des années 1970, l’Amérique du Nord a connu sa période de « compagnies providences ». La guerre avait décimé ou handicapé une partie de la main-d’oeuvre masculine que la main d’oeuvre féminine avait remplacée dans les usines. Ces dernières y ont acquis une certaine autonomie financière et tendaient à obtenir une égalité de statut social. Les premières à en profiter ont été les jeunes femmes célibataires, principale main d’oeuvre des entreprises. Les camps de vacances des compagnies répondaient tout à fait à ces conditions
Camp Eaton, lac de l’Achigan.
Forfait tout compris
Rapidement, les bonnes entreprises ont vu dans cette toute nouvelle semaine de vacances obligatoire et payée par l’employeur que le gouvernement accordait,3 une façon lucrative mais bienveillante de la rentabiliser à leurs profits. Ciblant principalement les employés célibataires, garçons et filles, qui ne semblaient pas savoir comment occuper cette soudaine liberté, ils se sont tournés du côté des camps de vacances au bord d’un point d’eau 4. Plein air, sports et rencontres possibles ont subtilement été mis au programme en plus de conditions avantageuses : voyagement gratuit par autobus nolisé, hébergement dans un lieu sécuritaire et souvent chaperonné par la présence d’un membre du clergé, aumônier nouvellement attitré de tous les bons syndicats de boutique des entreprises. Ce n’était pas encore nos voyages tout compris mais, pouvoir dormir tout son soûl, participer à des activités de groupe, avoir congé de cuisine et de vaisselle durant toute une semaine tout en profitant d’une nourriture abondante, variée et succulente, voilà qui plaisait surtout aux jeunes hommes qui se dépensaient beaucoup dans le sport.
Bienfaits reçus de camps à Saint-hippolyte
C’est dans ces conditions qu’ont été créés, entre autres, les camps Eaton et Bell Telephone Camp, au bord du lac de l’Achigan dont les bâtiments initiaux avaient été les maisons de pension des familles Cruchet et Forget à partir des années 1895. Nous avons peu de témoignages recueillis des anciens campeurs montréalais, mais les membres des familles hippolytoises qui y ont travaillé se souviennent du revenu régulier bienvenu qu’ils en ont tiré. Les femmes et les jeunes filles qui ont travaillé à la cuisine et à l’entretien des chambrettes, y ont appris la cuisine ainsi que quelques métiers de l’hôtellerie. Les hommes ont appris les rudiments des métiers de constructeurs et de terrassiers. Quelques années plus tard, ils s’en sont servis pour lancer leur propre entreprise.
De La Salle Villa ou communément, le Peart Heights Camp
À la même époque et quelques années plus tard, d’autres organismes ont eu des camps de vacances pour leur personnel. Parmi ces camps, il y a eu celui des religieux de la province canadienne de la Congregation of Christian Brothers (Frères des Écoles Chrétiennes), au lac des Quatorze-Îles. Ce camp a été créé suite à la donation d’un terrain et du travail de construction de William Peart, villégiateur au lac des Quatorze-Îles. Bien que ce camp portait comme nom officiel, De La Salle Villa (1923 à 1933) en l’honneur du fondateur de la communauté, l’emplacement était plutôt connu sous le nom de Peart Heights. Composé de deux bâtiments principaux de services et d’une petite chapelle, dix-huit cubicules rudimentaires comme de petits ermitages ont été construits pour héberger les religieux venant de tout le Canada. Ils occupaient leurs vacances à jouer au tennis, au bowling sur gazon ou boulingrin, au jeu de fers, à la baignade et à la lecture, entre les offices religieux du matin et du soir. Durant quelques années, ils ont régulièrement procédé au défrichage et au terrassement du terrain pour le rendre plus convivial.
1 Années Folles : période de 1918 à 1929 où les habitants des pays qui ont participé à la Première Guerre mondiale retrouvent le goût de vivre sereinement après des années de guerre et d’énormes privations. L’économie florissante crée une dynamique dans tous les domaines récréatifs.
2 Carpe diem : « Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain », Horace (65 à 8 avant J.C) poète latin romain.
3 1925 Commission du salaire minimum des femmes du Québec https://www.cnesst.gouv.qc.ca/a-propos-de-la-CNESST/structure_organisation/Pages/historique.aspx
4 Quelques-uns de ces domaines ont existé sur les rives du lac des Deux-Montagnes, des rivières des Prairies et des Milles-Îles et ont été transformés en parcs municipaux.