L’Arrow CF-150 d’Avro Canada était un projet ambitieux d’intercepteur supersonique conçu et construit durant les années 1950. L’Arrow a été l’avion le plus perfectionné de son époque, permettant au Canada de s’imposer en tant que chef de file d’ingénierie aérospatiale.
Après la Deuxième Guerre mondiale, les pays du monde se trouvent divisés entre deux camps idéologiques, l’Occident capitaliste et l’Orient communiste. Une période où les tensions, l’espionnage et l’escalade nucléaire sera baptisée la Guerre froide. On craint que des bombardiers soviétiques viennent attaquer l’Amérique du Nord en passant par l’Arctique canadien. L’Aviation royale canadienne engage Avro Canada pour concevoir et construire un chasseur d’interception nucléaire qui devra voler plus haut et plus rapidement que tout autre avion de sa catégorie. Les exigences techniques sont telles que plusieurs fabricants les croient impossibles à réaliser.
Une main-d’œuvre qualifiée
Un constructeur de Grande-Bretagne, A.V. Roe, arrive au Canada en décembre 1945 et s’installe en Ontario. Après des débuts prometteurs avec l’Avro CF-100 Canuck, le premier chasseur militaire conçu au Canada (premier vol inaugural le 19 janvier 1950), Avro obtient le droit de construire l’Arrow et devient une force dominante dans l’industrie canadienne de l’aérospatiale. En 1957, plus de 20,000 personnes s’activent au sein de la société. Ingénieurs de haut calibre, spécialistes en aérodynamique et avions à réaction, pilotes d’essai, mécaniciens et informaticiens sont choisis parmi les meilleurs. L’Arrow est appelé à devenir un projet de taille, d’ampleur et d’ambition importantes.
La réalisation d’un avion splendide
Le développement de l’appareil a commencé en 1953 pour aboutir à un avion de grande taille doté d’une aile delta et propulsé par des moteurs turboréacteurs. Des tests intensifs en tunnel aérodynamique et des essais de modèles construits à l’échelle d’un huitième de la taille réelle sont effectués au-dessus du lac Ontario et de l’océan Atlantique. Le 4 octobre 1957, le premier dévoilement a lieu devant une foule de 12 000 personnes à l’usine d’Avro. Les spectateurs sont impressionnés par l’aspect imposant de l’avion. Comme l’écrit le journaliste Ian Austen : « Ses ailes profilées vers l’arrière et ses commandes de vol électroniques novatrices lui donnent une apparence futuriste, tout comme sa peinture d’un blanc aveuglant, d’un noir mat et d’un orange fluorescent. »
Premier vol le 25 mars 1958
Lors de son premier vol, l’Arrow, piloté par Janusz Zurakowski, bat quatre records de vitesse différents. L’Arrow arbore le premier système informatique de commandes de vol et d’armes. Plus rapide que tout autre avion de sa catégorie, l’Arrow peut se déplacer à une vitesse qui s’approche de deux fois la vitesse du son à une altitude de 53 000 pieds. C’est l’avion militaire doté de la technologie la plus avancée de son époque. Une merveille d’ingénierie.
L’avenir incertain de l’Arrow
Malgré l’accueil enthousiaste que l’avion reçoit, l’Arrow et Avro deviennent bientôt les victimes de luttes politiques compliquées et d’ententes conclues en coulisses. À Ottawa, en juin 1957, c’est la fin de 22 années de règne d’un gouvernement libéral et John Diefenbaker devient premier ministre progressiste-conservateur. La réduction des dépenses devient une priorité politique et certains pensent que le coût élevé de l’Arrow contribue à sa chute.
Sa technologie semble déjà désuète, car le 4 octobre 1957, l’Union soviétique lance Spoutnik 1, le tout premier satellite artificiel. Les pays du monde se concentrent davantage sur l’espace et on croit que les attaques nucléaires ne viendront plus de bombardiers pilotés, mais de missiles balistiques intercontinentaux. L’utilité de l’Arrow dans l’ère spatiale devient incertaine.
Annulation du projet en 1959
Le 20 février 1959, le gouvernement Diefenbaker annule le projet Arrow. Du jour au lendemain, plus de 14 000 personnes, dont la plupart sont hautement spécialisés, perdent leur emploi. Le nombre d’emplois perdus, directs et indirects, atteint au moins 25 000 au moment de la dissolution d’Avro en 1962. Pire, le gouvernement ordonne de détruire tous les aéronefs du projet, ainsi que les bleus, les modèles, les dessins et les machines employés pour la fabrication des avions. Diefenbaker assume la pleine responsabilité de ce qu’il considère comme étant une décision qui a été nécessaire, quoique désagréable. Après la résiliation du contrat de l’Arrow, la fin tragique d’Avro vient rapidement. En 1959, les démissions du président, du vice-président et du directeur général du projet affaiblissent un avenir déjà ébranlé. Enfin, en avril 1962, la société mère d’Avro, le Hawker Siddeley Group, dissout la société Avro et vend ses avoirs pour 15,6 millions de dollars.
Répercussions à court et à long terme
À court terme, l’annulation de l’Arrow a des effets désastreux sur l’industrie canadienne de l’aérospatiale et sur la position du pays sur l’échiquier mondial. Un certain nombre des ingénieurs les plus éminents d’Avro partent pour la Grande-Bretagne pour travailler sur l’avion de ligne supersonique Concorde, qui connaîtra lui aussi ses heures de gloire. D’autres vont aux États-Unis pour travailler à divers projets de la NASA. À long terme, ceux qui sont restés ici ont enrichi les communautés scientifique et aérospatiale du Canada. De nos jours, l’industrie canadienne de l’aérospatiale contribue à l’économie canadienne avec près de 200 000 emplois spécialisés.
Intérêt soutenu
Des morceaux de l’Arrow original, ainsi que des modèles et des reproductions, se trouvent dans différents musées canadiens. La Canadian Air and Space Conservancy en Ontario, possède une reproduction grandeur nature de l’avion. Un des plus gros morceaux originaux de l’Arrow toujours en existence — une section du nez — est exposé au Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa. Plusieurs artéfacts sont conservés à ce musée et au Musée National de la Force aérienne du Canada à Trenton en Ontario. Les plans de l’Arrow, que l’on croyait détruits en 1959, ont été exposés au Centre Diefenbaker du Canada en 2020. Les plans originaux sont conservés au domicile de Ken Barnes, dessinateur principal pour A.V. Roe (Avro) Canada.
Patrimoine
Élancé, élégant, presque mythique, l’Avro Canada Arrow demeure bien vivant, dans les livres et dans les souvenirs. En 2019, un timbre commémoratif représentant l’Avro CF-105 Arrow est émis par Postes Canada. Ce timbre fait partie d’une série célébrant « l’ingéniosité, les prouesses technologiques et le courage canadiens dans l’aviation civile et militaire ».
Pour en savoir plus
- Une Minute du patrimoine : ca/fr/productions/minutes/larrow-davro
- Le musée de l’aviation et de l’espace du Canada propose : org/fr/aviation/artefact/avant-davion-cf-105-arrow-2-davro
- Une minisérie de huit épisodes de la CBC, inspirée de l’histoire de l’Arrow mettant en vedette Dan Aykroyd.
Source: thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/avro-arrow