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Vitraux patrimoniaux de l’église de Saint-Hippolyte Décrypter et actualiser le message d’un vitrail

Depuis 90 ans, 11 vitraux de grande valeur artistique livrent leur message de lumière dans le chœur et la nef de la petite église de Saint-Hippolyte, porte des Laurentides. Aujourd’hui, faute de posséder quelques savoirs religieux auxquels ils réfèrent, ces messages restent énigmatiques. Connaître leur message permettrait sans doute de mieux les actualiser.

Saints et lumière

Les verres colorés qui enjolivent les fenêtres des bâtiments existent depuis l’antiquité grecque (8e siècle AV. J.-C.). Cette mode d’enjolivement a donné lieu à travers le temps à l’art du vitrail. Cette technique, savamment maîtrisée dans les églises romanes (1100), permet déjà la création d’iconographies très élaborées1. Cet art est ravivé davantage lors du Concile de Trente (1542-1563) devant la montée de l’anticléricalisme, où les vitraillistes sont invités à puiser dans l’hagiographie des saints et dans les enseignements de l’Ancien et du Nouveau Testament pour la création de leurs œuvres.

 

Hier comme aujourd’hui, le vitrail porteur de messages

« Les vitraux sont la bible du pauvre. Édifiants dans leur création, ils constituent le catéchisme des fidèles », affirmait Émile Mâle2. Créateurs et maîtres verriers font preuve d’une grande érudition dans leur création. Inventifs, ils créent des techniques nouvelles et codes de lecture qui expriment le contexte. Y contribuent la coloration du verre, le réseau de plomb, le sertissage, le damassé, la gravure et le mode de cuisson qui apportent des textures, de la grisaille et des nuances. Quant au message, il se décode par des attributs présents : paysage et époque évoqués par l’encadrement, position du corps, de la tête, des mains et des pieds, tout comme le choix des vêtements, des objets présents, leurs dimensions et couleurs.

  1. Abbaye et monastère monial se distinguent pourtant dès les années 1140-1150 en optant pour des verrières aux formes géométriques simples qui ne détournent pas l’attention de la méditation.
  2. Émile Mâle (1862-1954), historien de l’art médiéval sacré (iconographie) et membre des Académies française et italienne.

L’hagiographie de Saint-Jérôme selon la Légende dorée1

Cette légende raconte que Jérôme de Stridon (notre Saint-Jérôme) aurait rencontré un lion blessé par une épine dans la patte et ce lion, symbole de la nature sauvage indomptée, aurait laissé Jérôme le soigner. La légende ajoute que le lion serait devenu son animal de compagnie, représentant ainsi un symbole d’acception (et de maîtrise) de notre condition humaine. Jérôme de Stridon a traduit la Bible en latin et y a ajouté de nombreuses interprétations. Il a été proclamé Docteur de l’Église et Père de l’Église latine par le pape Boniface, en 1298.

  1. La Légende dorée est un ouvrage rédigé en latin, entre 1261 et 1266, par Jacques de Voragine, dominicain et archevêque de Gênes qui raconte la vie d’environ 150 saintes et saints.

Que diriez-vous du message que porte Saint-Jérôme dans le vitrail de l’église de Saint-Hippolyte ?

Observant et comparant d’autres vitraux et œuvres sur l’hagiographie de Saint-Jérôme, nous pensons que volontairement, les administrateurs de l’église de Saint-Hippolyte des années 1930 avaient une intention particulière lors de la commande du vitrail de Saint-Jérôme1. Ceux-ci passent outre l’allégorie du lion (symbole de la nature indomptée2) présent dans la Légende Doré. Leur choix rejoint davantage l’esprit des textes de l’Ancien Testament. Saint-Jérôme est alors présenté en ermite qui puise dans la prière et le recueillement, la sagesse et la maîtrise de sa nature humaine. Le bâton de pèlerin à la main indique que nous sommes, nous aussi, pèlerins et que nous devons à son exemple, témoigner de cette vie de sagesse.

  1. Nous pensons que cet esprit est inspiré aussi de la lettre pastorale de Mgr Bruchési, 1921qui « s’enflamme contre la mode, la danse, le cinéma et le théâtre; éléments de perdition qui selon lui, éloignent les individus de la moralité chrétienne.» bilan.usherbrooke.ca/bilan/dateprecise.jsp
  2. L’histoire nous enseigne que dans le passé, par ignorance de connaissances sur le règne animal, que les animaux représentaient les tentations, le mal, le péché, le malin, le diable.

 

Des journées pour redécouvrir des savoirs religieux

Depuis quatre ans, dans le cadre des Journées du patrimoine religieux du Québec, nous sommes invités à découvrir ou à redécouvrir le riche patrimoine religieux présent dans les lieux de cultes au Québec. Lors de ces journées, il est possible de visiter des bâtiments de différentes confessions et époques, certaines présentant des techniques différentes de construction. Ces activités permettent de mettre en valeur des œuvres d’art, des archives, des monuments

Des cendres jaillit Sa lumière

Il faut retourner dans le temps pour comprendre la présence exceptionnelle des 11 vitraux de dimensions imposantes et de grande valeur artistique, dans une petite église de campagne comme celle de Saint-Hippolyte.

L’histoire nous indique qu’un feu accidentel en 1933 détruit ce lieu de culte jusque-là érigé à l’image de ceux d’une société agricole traditionnelle. C’est alors que l’audace des décideurs oriente leur choix vers un bâtiment à l’architecture Art déco novatrice. Cette audace, nous le pensons, est le fruit de l’esprit novateur qui règne au sein de villégiateurs influents dans la communauté. Ceux-ci sont également possesseurs de grande culture artistique1. Les murs, dégagés par cette architecture, offrent la possibilité d’y créer d’immenses verrières qui défient alors les difficultés à l’époque du chauffage. Confiant en la Providence, sentiment omniprésent dans l’histoire de cette paroisse, ces décideurs proposent aux paroissiennes, aux paroissiens et aux villégiateurs d’y financer des vitraux de grandes dimensions et de grandes qualités artistiques.

  1. Cette culture artistique se manifestera dans les années subséquentes. Naîtront au sein de la communauté hippolytoise des organisations et manifestations culturelles de grande importance (ex. Montagne Art 1986 à 2015).