Au XIXe siècle, l’Italie était un amalgame de différents royaumes. C’est en 1860 que le roi de Sardaigne engage une campagne pour unifier l’Italie englobant Rome qui se trouve dans les États pontificaux (les terres du Pape Pie IX). Celui-ci refuse d’abdiquer. Il faut alors réorganiser l’armée pontificale, car le sort de l’État paraît critique. Pie IX fait appel à tous les jeunes des pays catholiques à travers le monde, car « il est juste qu’on s’unisse pour défendre mes droits sacrés », dit-il. Le nouveau bataillon des Zouaves pontificaux forme l’armée la plus hétéroclite d’hommes de 22 pays différents. On les dote d’un uniforme inspiré des zouaves d’Algérie et leur formation est plus religieuse que militaire.
Au Québec
Monseigneur Ignace Bourget, évêque de Montréal, met sur pied un mouvement dont l’objectif est de recruter des zouaves canadiens pour défendre l’intégrité du pouvoir du Pape. Il a également pour but de réfréner la progression d’idées libérales qui soutiennent la liberté de parole et de conscience, la souveraineté du peuple et la séparation de l’Église et de l’état, notions qui représentent des enjeux pour l’Église catholique. Chaque paroisse se sent concernée par ce mouvement et recrute des volontaires en fonction de leur éducation et qualités morales.
Le départ pour Rome
507 zouaves canadiens, regroupés en sept contingents, furent recrutés et le 10 mars 1868, 388 d’entre eux font le voyage vers Rome. Ils veulent « verser leur sang pour le Christ », mais ils arrivent trop tard. Devant une armée de 60 000 soldats, le Pape capitule et ordonne à ses troupes de se rendre. Ayant été faits prisonniers au moment de la défaite, plusieurs d’entre eux sont couverts d’insultes et souffrent de la faim, sans vraiment avoir eu l’occasion de combattre. Libérés après entente entre les forces ennemies, l’acheminement des zouaves se fait en grande partie par voie maritime jusqu’à la frontière de leur pays respectif qui en assume les frais de rapatriement.
Le retour au pays
À leur retour au pays, ces patriotes catholiques sont acclamés en héros. En 1871, pour les remercier de leur engagement, le gouvernement leur octroie des lopins de terre en Estrie près du lac Mégantic. Mal accueillis par les Écossais déjà installés, les zouaves triment pour cultiver leurs terres et développent une bourgade sous l’égide de Saint-Zénon (soldat romain, IVe siècle apr. J.-C.). De nouveaux colons viennent s’ajouter, la nouvelle colonie s’organise et s’enracine dans un village qu’ils nomment Piopolis (la ville du Pape) en l’honneur de Pie IX.
La mémoire et l’esprit du mouvement
Jusqu’en 1930, les denrées parviennent par un « steamer » en été et par traîneaux tirés par des chevaux en hiver sur la glace. Aujourd’hui, quelques 400 Piopolissois et Piopolissoises habitent cette municipalité. Durant plusieurs années, les descendants des zouaves fondateurs animent une association dans le but de préserver la mémoire de leur aventure et l’esprit de leur mouvement. En 1984, ils accueillent Jean-Paul II à Québec et tirent leur révérence en 1993. Si l’activité militaire est chose du passé, la Halte des zouaves en plein cœur du village se souvient de leur histoire, de même que la cabane qu’ils ont habitée à leur arrivée.
Extrait de Les soldats du pape
« Aujourd’hui, l’Association des zouaves de Québec fait presque partie du folklore. Les jeunes ignorent ce que signifie le mot zouave, désormais employé dans des expressions péjoratives pour se moquer de quelqu’un – faire le zouave. Les aînés n’ont qu’un vague souvenir des zouaves, qu’ils associent aux processions religieuses de leur enfance. Enfin, les gens confondent souvent les zouaves avec les membres de la flamboyante Garde suisse pontificale en poste au Vatican ».