Une histoire étonnante où s’entremêlent les exploits scientifiques, les stratégies politiques et les rivalités géopolitiques entre les pays alliés durant la Deuxième Guerre mondiale.
C’est dans un laboratoire à Montréal, de 1943 à 1946, que quelques-uns des plus brillants esprits de leur temps ont contribué à l’avancement de la fission nucléaire dans le plus grand secret. Seuls quelques proches collaborateurs du premier ministre canadien William Lyon Mackensie King en connaissaient l’existence. Aux États-Unis en 1939, le gouvernement américain a lancé le projet Manhattan dans le but de créer une arme nucléaire pour vaincre le Troisième Reich et le programme Tube Alloy en Grande-Bretagne avait également comme objectif d’y parvenir avant les savants Allemands.
La participation du Canada
En 1942, l’avancée des Allemands est devenue une menace de plus en plus évidente pour l’Angleterre et il fallait relocaliser les installations britanniques à l’extérieur du pays. Lors de la conférence de Québec le 19 août 1943, Winston Churchill et Franklin D. Roosevelt ont signé une entente secrète qui fusionnait leurs projets de recherche. En raison de son « statut dans l’axe britannique », on a demandé au Canada de collaborer et par mesure de sécurité et en raison d’une situation géopolitique idéale, c’est à Montréal que le centre de recherche a été aménagé.
Hans von Halban, un physicien français d’origine autrichienne, a été nommé pour diriger ce nouveau laboratoire dont la mission était de servir le projet Manhattan dans la recherche sur les éléments radioactifs. Il a recruté des chercheurs top niveau britanniques, français, américains et canadiens. Pierre Demers (1914-2017) a été un des rares scientifiques québécois à avoir été dès le début dans le secret des dieux. Les travaux ont débuté à l’Université McGill et trois mois plus tard, l’ensemble du projet a migré dans un vaste espace du pavillon principal de l’Université de Montréal. Si certains s’en doutaient, la plupart ont ignoré qu’ils travaillaient à la mise au point de ce que plus tard on a nommé « la bombe atomique » d’Hiroshima et de Nagasaki.
Les femmes
La contribution des femmes a été largement ignorée, voire niée. À l’occasion d’une photo officielle en 1944, seuls les hommes ont été invités à poser. Sur la plaque officielle dévoilée par le duc d’Édimbourg en 1962, la liste des noms est exclusivement masculine, bien que les femmes comptaient pour le quart du personnel du groupe de recherche.
Les espions
Malgré une sélection minutieuse du personnel, Allan Nun May, un physicien anglais s’est révélé être un espion pour les Soviétiques et a été emprisonné. Un autre physicien, Bruno Pontecorvo, soupçonné d’espionnage, est parti un jour en vacances avec toute sa famille et n’est jamais revenu. Plus tard, on a appris qu’il avait fui en Union soviétique.
La suite pour le Canada
Après la guerre, le Canada a renoncé à poursuivre les travaux sur l’arme nucléaire, mais a soutenu l’usage civil de l’énergie atomique et est devenu un chef de file mondial de l’industrie nucléaire dans les années 60. En plus d’exploiter des mines d’uranium, le pays possède des usines de transformation d’uranium, des centrales nucléaires et des réacteurs de production de radio-isotopes pour la médecine. « Cette rencontre des plus éminents spécialistes de la physique a certainement contribué à une meilleure compréhension de l’énergie nucléaire, mais les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki auraient de toute façon été fabriquées et larguées », explique Gilles Sabourin dans son livre Montréal et la bombe.
Sources :
L’Université de Montréal http://nouvelles.umontreal.ca/article/2021/04/30/l-universite-de-montreal-a-cache-un-laboratoire-nucleaire-pendant-la-guerre/
Gilles Sabourin, Montréal et la bombe, Québec, Les éditions du Septentrion, 2020.