Lorsque nous nous déplaçons à bonne distance de chez soi pour observer les oiseaux à la fin de mai, nous espérons toujours tomber sur une espèce rare. Nous ne pouvons prévoir ce que nous verrons et nous ne contrôlons pas la météo non plus. Des deux séjours ornithologiques que j’ai pu organiser dans Charlevoix, les espèces étaient au rendez-vous. Nous en avons observé 86 durant notre semaine d’escapades.
Nature plus tardive
Le bonheur d’observer les oiseaux dans Charlevoix en cette période de l’année, c’est que les espèces migratrices arrivent plus tard dans cette région que dans le sud du Québec. La végétation tarde aussi à s’épanouir. On compte plus de deux semaines de différence dans l’épanouissement de la flore ainsi que pour l’apparition des migrateurs.
D’indispensables instruments
Lorsque des ornithologues se déplacent, ils ont toujours leurs jumelles au cou. Et dès que nous sommes en présence d’un écosystème aquatique, en particulier le fleuve Saint-Laurent ou la rivière Saguenay, la lunette d’approche devient un instrument essentiel. Par une fin de journée ensoleillée, le groupe s’installe donc sur une haute plage de Baie-Sainte-Catherine, à environ 1 km du quai pour le traversier.
Oiseau rare en vue!
Gilles Cyr, mon ami qui pilotait avec moi les groupes d’amateurs d’oiseaux, a déniché l’oiseau rare en balayant l’horizon aquatique avec sa lunette d’approche. Il pouvait jeter un coup d’œil sur tous les oiseaux qui se tenaient dans l’eau à bonne distance. Parmi les Eiders à duvet, les goélands de plusieurs espèces et certaines espèces de canards, se trouvait un mâle Eider à tête grise! Son nom latin est Somateria spectabilis. Le mot latin spectabilis peut se traduire par : remarquable. D’ailleurs, avant que l’on ne procède à des changements de noms d’oiseaux, cet eider se nommait l’Eider remarquable!
Accents de couleurs
Voici pourquoi le mâle est si merveilleux à observer. Sur sa tête rectangulaire, on découvre que son lobe frontal est orangé, son bec est rouge, la tête et la nuque sont gris-bleu et que sa face est de couleur vert pâle! L’Eider à tête grise est plus petit que l’Eider à duvet, qui est très commun dans l’estuaire du Saint-Laurent. Nous avons vraiment pu le regarder à souhait à la lunette. Il nageait parmi les autres oiseaux aquatiques, lui, seul de son espèce.
La toundra comme habitat
Au printemps, cet oiseau part de son aire d’hivernage dans le golfe Saint-Laurent ou sur la côte Atlantique et migre en très grands groupes. Ce qui sort de l’ordinaire, c’est que cet oiseau niche dans la toundra arctique au nord du Québec et au Nunavut. Il préfère les lieux bien drainés et peut nicher sur des îles. Le mâle émet des sons assez graves, un peu comme le font les tourterelles. Les femelles peuvent répondre à ces avances par des croassements. La femelle de l’Eider à tête grise ressemble à la femelle de l’Eider à duvet, mais sa tête et son bec sont plus petits. Une fois arrivés sur leurs lieux de reproduction, ces oiseaux doivent faire vite pour compléter leur cycle annuel de ponte, d’incubation et d’élevage des jeunes durant le court été arctique. Ils doivent aussi muer et attendre que les plumes de vol se régénèrent avant d’effectuer le vol qui leur permettra de rejoindre leur aire d’hivernage.
Un autre oiseau!
Durant notre deuxième séjour ornithologique, en plus de revoir notre eider remarquable à Baie-Sainte-Catherine, nous avons déniché un autre mâle aux Bergeronnes! Tout le groupe a pu l’observer afin de retenir les détails du plumage de cet impressionnant oiseau.
Des oiseaux égarés ?
Que faisaient ces deux mâles dans l’estuaire du fleuve bien loin de leur toundra arctique ? Peut-être ont-ils subi les contrecoups d’une tempête et se sont-ils alors retrouvés bien loin de leur trajet habituel. Ils semblaient bien à l’aise et confortables dans cet environnement. Ils nageaient parmi les autres oiseaux et y trouvaient leur compte. J’imagine que la nourriture devait y être abondante. L’Eider à tête grise peut plonger jusqu’à 55 mètres de profondeur pour capturer ses proies telles que crustacés, étoiles de mer et mollusques. Durant la belle saison arctique, cet eider se nourrit davantage d’insectes et de plantes.
Port-au-Saumon, 5 juin 2022. Votre humble chroniqueur donne les dernières consignes avec l’aide de son grand ami et ornithologue au long cours Gilles Cyr, avant une sortie qui mènera le groupe de passionnés d’oiseaux jusqu’aux Escoumins. Gilles et Jean-Pierre ont animé deux groupes d’ornithologues dans Charlevoix du 30 mai au 2 juin, puis du 3 au 6 juin.