À mes enfants, étonnés de me voir porter pour travailler un vieux tablier de toile plutôt que celui en cuir donné en cadeau, je réponds sourire aux lèvres : « Il inspire mes gestes comme ceux de mes ancêtres constructeurs! »
Malgré la flambée actuelle du prix des matériaux et des services, le mois de mai et sa chaleur invitent comme autrefois, vacanciers et bricoleurs en herbe à échafauder quelques projets de construction. Durant les années 1940 à 1980, je me rappelle le nombre impressionnant de visiteurs qui défilaient chez mes grands-parents et mes oncles constructeurs pour s’informer du coût de construction d’un chalet.
Poignée de main équivalant à un contrat
Rapidement fait, tout se concluait sur un coin de table: papier griffonné, crayon à l’oreille, chapeau de travers, cigarette échangée et poignée de main pour conclure l’entente. Que de regrets : des plans esquissés et des coûts estimés par ses constructeurs sans formation désirant ne pas manquer une offre et n’avoir pas osé demander plus!
Tablier et marteau
Je suis de cette lignée. Je n’ai aucune formation en construction si ce n’est que de douloureux souvenirs de coups de marteau ou de muscles qui ont trop forcés. Contrairement aux ouvriers formés aujourd’hui qui, avec sagesse et raison, vissent et coupent, munis d’outillage électrique spécialisé, j’aime le son du coup de marteau et de l’égoïne qui tranche le bois. Le simple fait de nouer mon tablier fait naitre mentalement mes stratégies de réalisation. Oh! Que je me trompe souvent et recommence, deux, trois, voire quatre fois pour arriver à mes fins. Et encore, cela n’est jamais sans défaut !
Hommage aux pionniers
Aujourd’hui, quand j’entre dans ma grange et que j’observe sa structure toujours aussi solide et droite après plus de 120 ans, j’ai une pensée pour mes ancêtres Lachance. Ces bâtisseurs possédaient l’art, la patience et les stratégies pour choisir, préparer et assembler de lourdes poutres qu’ils reliaient avec savoir-faire par une mortaise de bois, sans clou. Rien n’a bougé, malgré le gel et le dégel qui annuellement soulèvent ce bâtiment patrimonial. Il n’est pas le seul héritage de ces pionniers et Saint-Hippolyte est riche encore de beaux bâtiments anciens qui conservent la mémoire de ces bâtisseurs.
Articles « utiles » de promotion
À partir des années 1935, l’économie mondiale se relève peu à peu du krach boursier de 1929. La prospérité des industries d’armement de guerre et les décrets gouvernementaux sur les conditions de travail des ouvriers offrent à ces derniers des latitudes financières. C’est la mode de s’éloigner vers les banlieues pour y construire de ses mains un petit bungalow entouré d’un jardin ou de pousser plus au loin, pour un chalet dans la nature. Les comptoirs de matériaux et de bois d’œuvre se multipliant, chacun cherche des façons d’attirer et de conserver ces consommateurs. Ils offrent des objets utiles pour les travaux : règles de bois à mesurer, compas de métal, de plastique et autres objets sur lesquels on peut afficher une publicité. Les tabliers de peintres et de constructeurs sont à la mode et surtout très utiles pour tous les travaux.
The Eagle Lumber Co. Limited
En 1890, Séraphin Bock exploite une scierie au bord de la Rivière-du-Lièvre au cœur de ce qui est aujourd’hui la municipalité de Mont-Laurier. Enregistrée sous le nom, The Eagle Lumber Compagny en 1908 et relocalisée en 19111, elle profite largement depuis 1909 du chemin de fer pour le transport de son bois d’œuvre. Celui-ci est le produit des moulins de : Mont-Laurier, La Macaza, Lac Saguay et Saint-Jérôme, construit en 1914. Depuis sa fondation et encore aujourd’hui, trois générations de la famille Bock veillent à son expansion. Ils gèrent des moulins à scie, des comptoirs de vente de matériaux de construction et diversifient leurs services dans le secteur immobilier dans les Laurentides, au Québec et jusqu’aux États-Unis2.
1 En 1911, J.B. Reid érige en amont de la Rivière-du-Lièvre un barrage hydroélectrique qui provoque une montée des eaux. Séraphin Bock ayant gagné ce litige judiciaire, l’usine est relocalisée aux frais de J.B. Reid. Bâtiment détruit par le feu en 1966, l’emplacement est occupé depuis 1968 par l’usine de sciage Bellerive-Veneer-Plywood.
2 Enregistrée sous le nom The Eagle Lumber Company, entre 1908 et 1965 et de 1980 à aujourd’hui, elle a porté de 1965 à 1980 le nom La compagnie Eagle Lumber.