Professeur d’histoire retraité du centre collégial de Mont-Laurier du cégep de Saint-Jérôme et du cégep Édouard-Montpetit de Longueuil, historien et auteur de quelques ouvrages, Richard Lagrange a collaboré à l’Histoire des Laurentides. Il nous présente son plus récent livre Le pays rêvé du curé Labelle. Emparons-nous du sol de la vallée de l’Ottawa jusqu’au Manitoba. Préfacé par Yves Frenette, professeur d’histoire reconnu, cet ouvrage se veut une œuvre de niveau universitaire.
Il a donné une conférence très vivante sur le curé Labelle à la vieille Gare de Saint-Jérôme le 27 septembre dernier. Lors de cette rencontre, coordonnée par le nouvel organisme Histoire et archives Laurentides, M. Lagrange s’est révélé un communicateur hors pair.
Tout comme Lambert Closse, Louis Jolliet, Dollard des Ormeaux, d’Iberville, La Vérendrye et Madeleine de Verchères, le curé Labelle est un héros mythique des Canadiens français. Il souhaitait la survie de son peuple, qu’il aimait par-dessus tout. En voyant partir plus d’un million de compatriotes pour les usines de Nouvelle-Angleterre, il eut une vision messianique, coloniser le Nord-Ouest. Ce qui incluait un projet politique : reconquérir le Canada par la natalité et la possession des terres du nord du Québec, de l’Ontario jusqu’à Winnipeg. C’est le mérite de l’historien Lagrange d’insister sur cette vision de l’œuvre du curé Labelle, qu’il nomme « le projet labellien ».
Cet auteur est un des premiers à souligner l’apport des historiens « éveillés » qui, influencés par Marcel Trudel, déconstruisent les mythes, déboulonnent nos héros canadiens-français et décolonisent notre histoire. Il cite Gérard « Elvis » Bouchard, écrivain, pour qui l’œuvre du curé Labelle est un échec. Il cite aussi Serge Laurin, notre historien régional : « la colonisation des Laurentides aurait donc été un lamentable échec ». Souhaitons qu’un groupe de jeunes excités, inspirés par eux, ne demandent pas de déboulonner la statue du curé Labelle qui trône au centre-ville de Saint-Jérôme.
L’historien Luc Coursol « donne une image positive de Labelle ». Pour le sociologue Jacques Beauchemin, Labelle est l’héritier de Papineau, des Patriotes et de l’historien Garneau. Il veut redonner aux Canadiens français vaincus, de nouvelles raisons de durer dans l’histoire. Le curé Labelle avait un pays à faire. Son projet, qui sent la terre et la sueur, ressemble à ce labeur qui est encore le nôtre aujourd’hui : porter le pays plus loin que lui-même. Pour le curé Labelle, la survie culturelle des descendants des premiers colons de Nouvelle-France était au fondement de sa pensée. C’est par la force du nombre que Labelle comptait assurer plus que la survivance de la race française.
L’historien Lagrange abonde dans leur sens, d’où le sous-titre du livre. Pour lui, il y a le curé Labelle mythique des Pays d’En Haut avec ses personnages archétypes comme Séraphin, Bidou Laloge et autres qui atteignent l’universel et celui des historiens, un curé Labelle nationaliste pragmatique. Nous sommes bien chanceux dans les Laurentides d’avoir vécu avec de tels hommes. Le grand historien Lionel Groulx, qui enseignait dans le collège éponyme, a essayé au début du XXe siècle de redonner leur fierté aux Canadiens français. Un autre chanoine, Jacques Grand’Maison, qui a donné sa vie à ses ouailles de Saint-Jérôme, voulait lui aussi un pays. Ces hommes ont consacré leur vie à leurs concitoyens